Au terme d'une longue et tumultueuse histoire, les Goths - le principal peuple germanique oriental - disparaissent au début du Moyen Âge. Pourtant, de nombreux témoignages des siècles suivants mentionnent la présence en Crimée, dans la péninsule méridionale de l'Ukraine, d'une population de langue germanique généralement identifiée comme gothe. Le principal est celui d'Ogier de Busbecq, ambassadeur du Saint-Empire à Constantinople, qui recueille vers 1560 une centaine de mots et expressions du « gotique de Crimée ». L'identité précise de ces Germains et la réalité de leur longue survie sont discutées depuis des siècles et ont suscité des passions parfois peu scientifiques.

Cette étude exploite de façon critique toutes les sources disponibles - historiques, archéologiques, linguistiques - et expose les acquis des recherches récentes conduites depuis la chute de l'Union soviétique. Elle relate l'histoire des Goths de Crimée, de leur implantation au IIIe siècle aux derniers rapports du XVIIIe siècle, en passant par leur rôle dans la principauté médiévale « de Gothie » ou « de Théodore ». Elle présente les mythes élaborés à leur sujet et fait le point sur le parler germanique de Crimée, dont un corpus (lexique étymologique) est donné en annexe.