Dès l'époque moderne, les réseaux marchands franchissent les frontières par leur mobilité géographique, les commerces qu'ils organisent et l'ampleur de leurs réseaux: ils savent jouer de leur appartenance à des communautés et des nations d'origine et d'adoption. Ainsi ont-ils donné une consistance à la perception comme à la réalité européennes.
À la fin du Moyen Âge, les échanges commerciaux européens se sont intensifiés en Europe et ont pris une ampleur mondiale avec l'expansion portugaise puis espagnole. Les acteurs de l'économie ont dès lors connu une plus grande mobilité, et les intermédiaires du négoce se sont multipliés. Dans leurs déplacements, marchands, marins et banquiers se sont appuyés sur des groupes de compatriotes déjà établis à l'étranger. Ces liens fondés sur une commune origine ne font pourtant pas des communautés marchandes ni des groupes isolés de leur société d'accueil ni les agents d'une influence étrangère. Alors que l'Europe est morcelée, tous ceux qui participent au commerce sont engagés dans des contacts multiples et franchissent ses multiples frontières. Ils se trouvent fréquemment en situation de compromis, d'engagement et de manipulation, entre patrie d'origine et patrie d'accueil.
Cet ouvrage propose de montrer comment les marchands entretiennent, bâtissent et partagent des liens d'appartenance, là où ils résident comme à distance. Il souligne aussi l'importance des rapports qu'ils nouent avec les pouvoirs politiques, municipalités comme gouvernements, qui leur imposent un cadre, avantageux ou contraignant, mais sont aussi dépendants des ressources qu'ils peuvent fournir. Enfin, il rend compte de leur insertion dans un jeu économique et politique à plusieurs échelles en Europe. Avant l'affirmation d'une Europe de nations, alors que la chrétienté, même divisée, demeure longtemps un cadre de référence, les marchands uvrent à donner une consistance à la perception comme à la réalité européennes.
Auteur
Ancien membre de la Casa de Velázquez, Jean-Philippe Priotti est maître de conférences à l'université du Littoral-Côte d'Opale et rattaché au laboratoire HLLI (Histoire, Langues, Littératures et Interculturel, EA 4030). Il étudie particulièrement les dynamiques commerciales et militaires entre les différentes composantes territoriales de la monarchie hispanique (XVIe-XVIIe siècles).
Ancien membre de la Casa de Velázquez et ancien élève de l'École des chartes, Bertrand Haan est maître de conférences à Sorbonne Université. Il est spécialiste des relations entre la monarchie espagnole et la France, des guerres de Religion en France et aux Pays-Bas et du lien d'amitié.
Contenu
Jean-Philippe Priotti: PRÉSENTATION. S'assembler sans se confondre. États, réseaux marchands, droits - Bastien Carpentier: Le palais des Doria à Fassolo comme outil de configuration de la monarchie hispanique (XVIe siècle) - Yves Junot : Entre Mars, Janus et Mercure : les marchands comme acteur de la réconciliation des Pays-Bas espagnols (années 1570-années 1610) - José Manuel Díaz Blanco: En el siglo del Absolutismo. Itinerarios de una cultura política mercantil en el siglo XVII - Sylvain Lloret: Représenter, contrôler, réguler : l'institution consulaire et l'essor marchand Français en Espagne (XVIIe-XVIIIe siècles) - Guillaume Garner: L'intégration des marchands et des commerçants « étrangers » à Mayence au XVIIIe siècle : procédures, institutions et conflits - Jean-Philippe Priotti: De l'identification comme ressource. Un marchand béarnais à Anvers (début du XVIe siècle) - Amândio Barros: Les dynamiques marchandes des réseaux portugais au XVIe siècle - Filipa Ribeiro da Silva: Les entreprises des sépharades, Hollandais et Portugais dans l'Atlantique sud, 1590-1670 - Veronika Hyden-Hanscho: A broker in a hostile setting : Alexandre Bergeret and his mail order company in Paris and Vienna in the 17th century - Margrit Schulte-Beerbühl: A cosmobile identity : Vincent Nolte (1779-1856), an early modern global player